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Le bon de caisse : ticket gagnant de vos projets de financement

Les bons de caisse constituent un des instruments de financement les plus anciens. Pourtant largement tombés en désuétude, l’essor récent du financement participatif leur a redonné une nouvelle jeunesse, confortée par la modernisation de leur régime juridique, datant pour l’essentiel de 1937, par l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 prise en application de la loi « Macron ».

Principalement utilisés par les banques, la simplicité de leurs modalités d’émission et de fonctionnement en font un outil idéal. Entre avances en comptes courants et emprunt obligataire, le bon de caisse mérite que nous nous attardions sur leur intérêt pratique pour les entreprises.

Les principales méthodes de financement non-bancaires offertes aux entreprises

Les entreprises ayant un besoin en trésorerie peuvent avoir recours à différentes modalités de financement. Parmi les solutions en dehors des circuits bancaires se trouvent principalement :

Les avances en comptes courants d’associés

Une avance en compte courant s’analyse comme un prêt consenti par un associé à sa société.

Contrairement aux apports en capital une avance en compte courant :

Ne nécessite aucun formalisme particulier, bien que la rédaction d’une convention de compte courant soit préférable afin d’en fixer les modalités de fonctionnement (rémunération, durée, remboursement, etc.) ;

N’ouvre aucun droit à dividendes ;

Ne confère aucun droit de vote au sein de la société ;

Doit être rémunérée a minima au taux de l’intérêt légal, étant précisé que leurs modalités de paiement pourront être librement convenues mais que leur déductibilité fiscale est strictement encadrée ;

Peut être temporairement bloquée, mais leur principe est d’être remboursable à première demande.

Afin de ne pas porter atteinte au monopole bancaire, l’article L312-2 du Code monétaire et financier dispose, qu’en principe, seuls les associés détenant au moins 5 % du capital social et les dirigeants dans certains cas peuvent consentir de telles avances.

L’emprunt obligataire (art. L 213-5 et s. du Code monétaire et financier)

Un emprunt obligataire est une dette émise par une personne morale pour lever un financement auprès de tiers (sous réserve que ces opérations de levées de dettes ne soient pas accomplies à titre habituel : art. L511-7 du Code monétaire et financier) appelés les obligataires.

Les principales caractéristiques d’un emprunt obligataire sont les suivantes :

Il consiste à émettre une dette fractionnée en un nombre d’obligations pouvant être librement fixé, chacune étant donc représentative d’une fraction identique de l’emprunt émis et conférant les mêmes droits pécuniaires à leurs porteurs ;

La décision et les modalités d’émission d’un emprunt obligataire relèvent de la compétence de l’assemblée générale, bien qu’elle puisse dans certains cas et selon la rédaction statutaire retenue être déléguée notamment au Président ;

Les obligations sont des titres financiers par principe négociables, inscrits soit dans des comptes ouverts au nom de leurs titulaires et tenus par la société émettrice (obligations nominatives) ou par un intermédiaire financier habilité (obligations au porteur), et se transmettent par simple virement de compte à compte ;

Les obligations n’ouvrent aucun droit à dividendes ni ne confèrent aucun droit de vote au sein de la société émettrice ;

Les obligations doivent être rémunérées a minima au taux de l’intérêt légal et leur modalités de paiement sont particulièrement souples (le coupon peut être mensuel, trimestriel, annuel, in fine ou encore payé d’avance au moyen d’une prime d’émission…) étant précisé que la déductibilité fiscale de ces intérêts est plus largement admise que celle des comptes courants d’associés ;

Le remboursement des obligations ne devient exigible qu’à leur terme (bien qu’il soit possible de prévoir une faculté de remboursement anticipé à l’initiative de la société émettrice et/ou de l’obligataire) ;

Leurs porteurs sont regroupés de plein droit en une masse (la masse des obligataires), distincte de l’assemblée générale de la société émettrice, chargée de la défense de leurs intérêts communs.

Peuvent émettre des obligations :

-Les sociétés par actions à condition d’avoir établi deux bilans régulièrement approuvés par leurs actionnaires. A défaut, l’émission d’un emprunt obligataire demeure possible mais elle doit être précédée d’une vérification de leur actif et passif (art. L228-39 du Code de commerce) ;

-Les SARL à condition d’être tenues à la nomination d’un commissaire aux comptes dont les comptes des trois derniers exercices de douze mois ont été régulièrement approuvés par leurs associés (art. L223-11 du Code de commerce);

Dans tous les cas, les sociétés doivent avoir leur capital social intégralement libéré.

Le financement participatif

Le financement participatif est un outil de financement alternatif permettant de récolter des fonds auprès d’un large public via notamment des plateformes internet.

On distingue trois formes de financement participatif :

Les prêts (« crowdlending ») ;

Les dons (« crowdfunding ») ;

La souscription au capital (« crowdequity »).

Cet outil nécessite cependant, outre le respect d’un cadre règlementaire strict, l’accomplissement de certaines formalités et les montants sont plafonnés.

La place des bons de caisse

Principales caractéristiques des bons de caisse (art. L223-1 et s. du Code monétaire et financier)

Les bons de caisse sont désormais définis comme des « titres nominatifs et non négociables comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée, délivrés en contrepartie d’un prêt ».

Du point de vue juridique, ces titres sont :

Nominatifs, contrairement à leur ancêtre ils ne peuvent plus être anonymes, ils sont directement inscrits au nom de leur propriétaire dans un registre tenu par l’émetteur ;

Non-fongibles, ils ne peuvent, dans une même émission, conférer des droits identiques pour une même valeur nominale ;

Non négociables, ce qui les exclut des instruments financiers et notamment des valeurs mobilières ;

Leur maturité ne peut excéder 5 ans.

Faute d’un encadrement légal exhaustif, la nature juridique des bons de caisse a fait l’objet de débats doctrinaux reposant sur leur comparabilité avec des institutions voisines comme les valeurs mobilières, les effets de commerce ou encore les titres de créance négociables. La jurisprudence les analyse cependant comme étant constitutifs « d’une reconnaissance de dette » (Com. 27 mars 2012, n° 11-15.316).

A cet égard, notons que le remboursement des bons de caisse ne peut être exigé qu’à leur échéance bien qu’il soit, ici aussi, possible de prévoir une faculté de remboursement anticipé à l’initiative de l’émetteur.

La faculté d’émettre des bons de caisse est réservée, outre aux établissements de crédit, à tous les commerçants personnes physiques et les sociétés commerciales à condition d’avoir établi le bilan de leur troisième exercice commercial. L’organe compétent pour décider de l’émission est celui qui, en application des statuts, peut contracter des emprunts : il s’agira donc en général du Président ou du Gérant.

S’agissant des modalités de l’émission :

Les bons de caisse sont souscrits directement auprès de l’émetteur (interdiction de l’intermédiation) ;

Elle doit être mise en œuvre sur une base individualisée, excluant toute possibilité d’une émission globale de bons conférant des droits identiques à leurs titulaires, ce qui les distingue donc des obligations.

S’agissant, enfin, de leurs modalités de rémunération, le taux d’intérêt doit être fixe mais le calendrier de paiement peut être librement déterminé (comme en matière d’obligations, le coupon peut être mensuel, trimestriel, annuel, in fine ou encore payé d’avance au moyen d’une prime d’émission…).

Pour mention, l’éventuelle cession des bons de caisses est soumise au droit commun des cessions de créance (art. 1321 et s. du Code Civil). En dernier lieu, notons qu’une catégorie spécifique de bons de caisse à été créée pour les besoins du financement participatif (intermédiation autorisée par le biais de plateformes ayant le statut de conseiller en investissement participatif -CIP- ou de prestataires de services d’investissement -PSI-, possibilité de recourir à une émission globale conférant un droit de créance identique pour une même valeur nominale, restriction aux seules SARL et sociétés par actions ayant entièrement libéré leur capital social) : les « minibons ».

L’avis du cabinet

Les bons de caisse présentent des avantages évidents, qui contrastent avec l’utilisation, somme toute modeste, qui en est faite.

Pour l’émetteur, ils sont un excellent moyen de se procurer des liquidités bloquées à courte et moyenne échéance afin de permettre des aménagements de trésorerie ou le financement de projets ponctuels.

Les bons de caisse constituent d’ailleurs pour les SARL une des seules voies leur permettant de recourir à l’investissement privé dans la mesure où il leur est généralement impossible d’émettre un emprunt obligataire faute d’être tenues à la désignation d’un commissaire aux comptes.

Tant pour les SARL que pour les SAS, l’avantage des bons de caisse sur les avances en compte courant est qu’aucune participation capitalistique n’est exigée de la part de l’investisseur (sous réserve, toutefois, que ces opérations ne soient pas réalisées à titre habituel : art. L511-7 du Code monétaire et financier précité), outre le fait que les fonds ne sont remboursables qu’à échéance et non à tout moment.

Aussi, les bons de caisse n’impliquent pas, contrairement aux obligations, la constitution d’une masse des obligataires dont les coûts de fonctionnement peuvent être mis à la charge de la société émettrice, outre son éventuelle immixtion dans les affaires sociales en application de son droit à la communication des documents sociaux.

Leur principale faiblesse par-rapport aux obligations réside toutefois dans la nécessité d’avoir clôturé au moins trois exercices sans possibilité de passer par une vérification de l’actif et du passif. Si le choix porté par une entreprise vers un mode de financement est avant tout une affaire de circonstances nécessitant de prendre en compte tant les objectifs poursuivis que le contexte économique interne et externe à l’entreprise, il nous semble que l’analyse du recours aux bons de caisse méritera néanmoins d’être systématiquement posée tant cet outil se révèle efficace et simple à mettre en œuvre.